Kathleen Saints
| Sujet: [Intrigue 1]Deux personnalités... Mar 23 Juil 2013 - 21:25 | | Il fait chaud, si chaud et cette torpeur m’envahit. Doucement, tendrement, mon corps s’affaisse. Le sol m’enlace de ses bras et je m’y laisse aller, sans protestations. Que m’arrive-t-il exactement ?*** L’obscurité, sombres nuances de noir aux visages aussi disparates que nombreux, m’a complètement encerclée. Mes yeux, grand ouverts, ne parviennent pas à la percer. Pourtant, en approchant mes mains de mon visage, leur blancheur d’albâtre m’apparaît comme un trouble dans la nuit. Ce n’est donc que ça, une nuit éphémère... La cécité ne me possède pas encore. Seules, ces ténèbres ne sont pas effrayantes, et il suffit d’attendre qu’elles s’estompent.« Crois-tu vraiment que ce soit chose possible ? » Sa tête se redresse aussitôt, vive, ses yeux ne reflétant aucune émotion particulière. Tapie dans l’ombre de ce paysage invisible, l’autre fait la moue. Elle sait depuis longtemps que cet hôte sera difficile à maîtriser mais l’affronter réellement, c’est toujours différent. Une vague de découragement traverse son corps qui lui semble si concret, palpable. Ce monde de chimères imposé à l’esprit de la Réglisse lui permet d’exister. Il n’est pas temps d’abandonner, pas avant d’avoir abattu ne serait-ce qu’une carte. Et ce regard froid, perforant, pourrait se charger de craintes. Ses peurs sont à sa portée... * N’est-ce pas ma douce Kathleen ? * Avec lenteur, celle se faisant appeler Emily commence à tourner autour de sa proie. La réaction est immédiate et l’Ombre sent peser sur elle le regard de l’aristocrate. Elle la déteste. Cette façon de provoquer, quelle que soit la situation, sa manière de se croire supérieure... Mais n’est-ce pas là aussi sa plus grande faiblesse ? Le sourire naît sur les lèvres de la chasseresse qui se décide enfin à agir. « As-tu seulement une idée de qui je suis ? » Elle s’attend à une réaction, un tressaillement, n’importe quoi qui indiquerait qu’elle ait enfoui quelques souvenirs traumatisants hors de sa portée, mais rien. Kathleen se relève simplement, fixant la direction d’où venait la voix, de ses yeux vides d’émotions. « Un simple insecte cherchant à impressionner pour éviter de se faire écraser comme tant d’autres avant lui ? » Le rouge monte aux joues d’Emily. Ce monde, elle le contrôle, elle est, ici, toute puissante et se faire ainsi rabaisser par un microbe la met hors d’elle. L’Ombre est consciente que la violence ne la mènera pas à la victoire, pourtant, elle ne peut résister à son appel. Inefficace, sans doute, mais en plus de libérer sa frustration, peut-être cela pourra affaiblir les défenses de la Réglisse. Cette pensée envahit son esprit et l’univers l’entend. Seulement, la subtilité n’y figure pas et, cette fois, l’aristocrate ne peut maintenir son indifférence. Ses traits se déforment et un grognement rauque parvient même à glisser hors de sa bouche. « Ce n’est pas la bonne réponse ma tendre amie. Tu apprendras bien vite à te taire, longtemps, sans te plaindre ou presque... Je te le promets ! » Si un regard pouvait tuer, la seconde qu’il dura aurait fait mouche. Mais la jeune femme se ressaisit. Son expression se neutralise, même si son rictus ne quitte pas son visage, chargé d’une douleur non feinte. « Tu aimes j’espère ? Je te connais par cœur et souiller ta peau avec du sang t’énerverait, alors, pour te faire plaisir, pas une goutte ne quittera tes veines... Pas la peine de me remercier, ne t’en fais pas, c’est vraiment un honneur que de réaliser cette tâche... Mais j’y pense, veux-tu voir le résultat ? » Un halo bleuté illumine alors le sol autour de Kathleen, formant un cercle d’un diamètre de quatre mètres où la pénombre se laisse transpercer. Elle peut donc avoir un aperçu de son corps. Pas une seule plaie, comme annoncé, cependant son épaule... Pend ? Oui il n’y a pas d’autres termes. L’articulation, démise, git, amorphe, le long de son flanc. Elle pâlit, si sa peau en est encore capable, serrant ses mâchoires pour ne pas gémir. Que me veut-elle ? Comment ose-t-elle s’en prendre à moi ? Mais surtout comment m’atteint-elle ? Je pensais que la lumière m’aiderait mais c’est pire à présent. Les ténèbres m’apparaissent comme un mur infranchissable. Se recentrer ? Oublier la souffrance et frapper à la première ouverture. La violence n’est pas mon atout de prédilection, cependant quand les choix se restreignent... Mais avant ça, reprendre au début, localiser et ne plus se perdre.« Apparemment, tu penses encore que je suis faible, quelle erreur... » Craquement sonore et cette fois, c’est un hurlement que je laisse retentir dans ce désert obscur. Mon corps s’effondre et là, je remarque que ma jambe aussi est déboitée. Mes pensées s’emballent, ça ne peut pas être réel. Aucun mouvement, et pourtant le résultat n’en est pas moins évident. Mais alors...« Perspicace. C’est la seule chose qui me plaît chez toi. Ça te ce corps que je convoite, et que j’obtiendrais aujourd’hui même. » Le rire de l’aristocrate retentit alors, glacial et méprisant. « Essayez toujours... Si tout ça n’est encore qu’un tour engendré par Queer Tales, il me suffit de patienter, d’endurer et la liberté sera à nouveau mienne. » Mais la grimace ravie s’estompe rapidement. Explosion de douleurs dans l’ensemble de son corps. Les yeux exorbités, son hurlement ne s’arrête pas. Puissant au début, son intensité décroit ensuite, devenant qu’une plainte rocailleuse. Comme un pantin désarticulé, son corps a perdu toute cohésion. Clouée au sol, la sueur ruisselle le long de son visage, glissant sur elle pour découvrir formes et mystères. Sa respiration est courte, saccadée, et ses larmes se mêlent au courant de transpiration. Elle ne peut tout contenir. Son esprit s’embrume lentement et c’est au travers de ce brouillard qu’elle entend ces quelques mots, suivis d’une caresse contre sa joue.« Tu verras, nous allons bien nous amuser... Et ta volonté s’évaporer, aie confiance. » *** La douleur ne me quitte pas, tel un poison, elle semble suivre mes veines pour qu’à chaque battement de cœur je ne puisse l’oublier. A la fin, elle représente une mélodie, suivant inlassablement le rythme imposé par la batterie. Celui-ci est calme, régulier et ne paraît pas se préoccuper de ma situation. Ai-je seulement l’impression d’être en danger ? Une question simple à laquelle je ne parviens pas à répondre. Il est clair que je le suis, alors pourquoi cette absence d’angoisse ? La folie serait-elle doucement en train de s’emparer de mon esprit ? Depuis le temps qu’elle m’habite, je ne serais pas surprise si elle essayait de s’étendre. Jusqu’où puis-je résister ? Combien de temps avant que la raison ne m’abandonne complètement ? Les réponses à ces questions sont insaisissables et même pas une pointe d’inquiétude ne vient me troubler... Inquiétant.
La pièce est sombre autour de moi, mais ce n’est plus l’obscurité totale de mon rêve. Je parviens désormais à distinguer les formes de mon mobilier. Ces ombres familières semblent me calmer, drainant doucement la douleur hors de mon corps. Mais ce calmant est éphémère, la silhouette se dessinant au fond de la pièce le chasse rapidement. Elle s’avance et pose sur moi un regard plein de compassion, un sourire étirant ses lèvres.« Tu vois où ça te mène ? » Sa voix est douce et dépourvue de reproches mais c’est son visage qui me fige, pas ses paroles...Son visage. Leur visage en réalité. L’être se tenant devant la Réglisse a, traits pour traits, les mêmes caractéristiques ? Le corps de Kathleen se tend. La ressemblance ne se cantonne pas à ça, c’est l’ensemble de leur physique qui est similaire. Comme si cette inconnue connue était son clone. Est-ce possible ? Elle déglutit lentement en observant son reflet. Seules leurs expressions permettent de les différencier, la froideur de la blessée face à une apparente joie de vivre du côté de son sosie. « Te souviens-tu de moi ? » Si elle se souvient ? Comment pourrait-elle l’oublier ? Pourtant, l’aristocrate pensait vraiment l’avoir chassée de son esprit. Malheureusement, comme souvent, c’est lorsque l’on se trouve au plus mal que les souvenirs ressurgissent de nouveau. Puis, comme si son cerveau retrouvait finalement ses capacités, la Réglisse récupère la parole. « Evidemment. » Un seul mot. Pas de longs discours. Elle ne s’en sent pas capable. Malgré cela, son ton semble aussi assuré que d’habitude, en apparence en tout cas, car pour une oreille attentive, un léger doute peut être perceptible. Et n’est-ce pas ce que son vis-à-vis possède ? Ce qu’elles possèdent même ! D’ailleurs, elle lui sourit, comme si rien n’était en mesure de briser sa bonne humeur. « Tu as tellement changé... On était... » « Non ! Juste... Tu ne sais rien ! » « Tu crois ? » Son sourire s’assombrit. « Et où crois-tu que j’ai passé ces dernières années, hormis en toi ? » Sa voix a perdu son ton joyeux. Il n’y a pourtant aucune froideur, pas d’animosités non plus juste... Atone. « Je t’ai vue changer. J’ai subi... Tous tes délires pervers ! Qu’as-tu fait de nous Kathleen ? Qu’as-tu fait de moi... » Allongée, l’aristocrate déglutit à nouveau. Ses yeux résistent, tentent de conserver leur froideur, mais cette dernière s’effrite, patiemment, inéluctablement... La peur s’insinue doucement dans ses veines, un poison de plus contre qui lutter. Elle la contamine et le masque glisse. Mais tel un fou ne souhaitant partir seul, il emporte avec lui calme et tenue. Son cœur se met à battre un rythme oublié depuis des décennies tandis que ses traits se déforment. Toutes ces émotions, cet Enfer sorti du passé, pourquoi doit-il ressurgir ? « Pour te libérer... Reviens à ce que j’étais, reste ici, avec moi. Je te protègerais ! Tu ne subiras plus ces scènes, il suffit de te laisser aller ! » Me laisser aller ? De quoi peut-elle bien parler ? D’ailleurs, comment pourrait-elle me protéger ? Elle n’existe nulle part, hormis dans ma tête ! Dans ma tête ? Est-ce là qu’elle veut que... Mais alors...*** A nouveau, je suis étendue sur un lit. Les yeux clos, je n’ose les ouvrir... Est-ce vraiment fini ? Etait-ce si simple de s’échapper ? J’entrouvre un œil et c’est encore l’obscurité qui domine. Pendant un moment, je pense qu’une nouvelle épreuve m’attend avant de remarquer comme un manque. La sensation de souffrance, la détresse... Ces sentiments humains qui ne m’habitent plus que rarement ne sont plus présents. Je pousse un soupir de soulagement en m’asseyant sur mon lit. Malgré la sensation de libération, il y a quelque chose de changé, brisé en moi. Mais pour le moment, je ne veux m’en préoccuper, je l’ai battue.
Je suis libre. Maîtresse de mon esprit, mon corps et mes gestes...« Désolée Emily... » |
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