Ce matin j’ai trouvé un œuf
Un œuf, un bel œuf, un œuf aux reflets irisés, à la coquille de nacre. Lorsque je le tiens dans mes mains, mon œuf, je sens son cœur qui bat. Mon œuf à moi, je l’entend parler. Il me murmure les paroles du vent, me chante la rosée du matin, l’odeur de l’herbe mouillée, puis le foin d’une grange. Mon œuf à moi, il connaît l’été et l’aube d’été.

Ce matin, j’ai trouvé un œuf.
C’est drôle, parce qu’hier, j’avais rêvé que j’en trouvais un. Il était beau, mon œuf, dans mon rêve… Pas aussi beau que celui de ce matin, mais presque. C’était dans l’herbe. De la belle herbe, souple, elle brillait de bonne santé. Et elle sentait la belle herbe-pas-coupée. Elle était belle, et souple, mon herbe. Le ciel aussi il était beau. Les nuages surtout. Ils étaient moelleux, on se disait que les anges avaient de la chance de pouvoir s’allonger dedans. Ce matin, les nuages, ils sont partis. Le ciel est bleu. Bleu profond. J’ai peur de tomber dedans si je vais trop haut… Quand on tombe dans le ciel, on atterrit où ? Je ne sais pas. Je ne veux pas le savoir.
Une cloche a tinté, j’ai vu la queue d’un lapin. Un joli pompon tout bleu, et là, j’ai trouvé mon œuf. Mon œuf à moi.
Ce matin, j’ai trouvé un œuf. Demain, il éclora.

Ses battements cesseront, s’amplifieront, chanteront le chant de la vie qui naît, puis mon œuf se fissurera, sa belle coquille irisée fera plein de petits coquillages, et là, il sortira. Ca sera un ange, une petite Poucelina avec des ailes de papillon. Ma Poucelina, elle chantera pour moi, me parlera, criera le vent, bercera le temps. Ma Poucelina, ma Poucelina à moi, elle s’envolera, parce qu’un ange en cage, ca devient un démon au visage d’enfant. Et elle trouvera un prince, et fera plein de petits Poucets.
Ma Poucelina s’envollera…

Ce matin, j’ai trouvé un œuf. Mon rêve l’a mangé.